#Business
Publié le 21/10/19
Lecture 5 Min.
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Tous les scenarios restent sur la table, mais les probabilités de ces différents scénarios ont considérablement changé. En particulier, la probabilité que Westminster vote en faveur du projet de loi sur le withdrawal agreement a augmenté ; la probabilité d’un no-deal Brexit a diminué ; et la probabilité d’un nouveau référendum gagne en apparence du terrain.

René Defossez, économiste UK et stratégiste Fixed Income vous livre son analyse de ces différents scénarios à travers ce podcast à écouter :

Podcast Natixis : Brexit, fin du 1er chapitre ?

 


À savoir

Withdrawal agreement

Theresa May a conclu un accord avec l’UE concernant les modalités de départ du Royaume-Uni. Cela inclut le règlement des frais envers l’UE, les négociations de la période de transition, la question du backstop, et les droits des citoyens.  

Benn Act

En septembre 2019, les membres du parlement britannique ont promu une nouvelle loi, introduite par Hilary Benn du parti travailliste, pour enrayer l’impulsion de Boris Johnson dans sa démarche de no-deal Brexit au 31 octobre. Cela le contraint à demander un délai de trois mois s’il ne parvient pas à trouver un accord ou à obtenir du parlement leur soutien pour un no-deal Brexit. 

Article 50

L’article 50 fait partie du traité européen qui établit la manière dont les pays membres peuvent quitter l’union, avec un délai de deux ans d’échéance. Toutefois, la date d’échéance a été étendue jusqu’au 31 octobre 2019 après que les membres du parlement britannique aient rejeté le Brexit deal proposé par Theresa May. 

Backstop

Le backstop était une police d’assurance négociée par l’ex-Premier ministre Theresa May pour éviter l’établissement de contrôles le long de la frontière irlandaise. Boris Johnson, le nouveau Premier ministre en poste, a retiré le backstop lors de sa renégociation du Withdrawal agreement en le remplaçant par un nouveau plan douanier.

Source : BBC.com


 

Mais, d’abord, que s’est-il passé samedi dernier ?

Le parlement a voté en faveur de l’amendement d’Oliver Letwin par 322 voix contre 306. L’amendement de Letwin est une police d’assurance contre un no-deal Brexit. Selon cet amendement le parlement refusera d’approuver le deal de Johnson aussi longtemps que le projet de loi n’aura pas été adopté. Boris Johnson a donc perdu une nouvelle fois samedi contre le parlement. Il a été obligé en raison de la loi Benn de demander une extension de l’article 50. Il a écrit trois lettres au conseil européen, dont une non signée, demandant une extension de l’article 50 et une autre signée, indiquant qu’il était opposé à cette extension. Ce comportement n’a, en vérité, pas surpris grand monde.

 

Que pourrait-il arriver dans les prochains jours ?

Dès aujourd’hui, Jacob Rees-Mogg pourrait tenter d’organiser un autre vote significatif, en supposant bien évidemment que le Speaker de la Chambre l’y autorise. À défaut, Johnson pourrait présenter le projet de loi mardi, afin de voir si les députés seraient prêts à l’appuyer par principe. S’il réussit cette manœuvre, des débats concernant le Withdrawal Agreement Bill seraient lancés sans tarder.
En parallèle, Donald Tusk consultera les dirigeants européens sur la question de l’extension. Plusieurs responsables européens, dont Macron, Junker, Rinne, et même Varadkar, ont tous déclaré de manière explicite qu’ils ne sont pas favorables à une nouvelle extension de l’Article 50. D’autres dirigeants européens, dont Merkel, restent campés sur des positions plus prudentes. Ils sont désignés par la presse comme des « faucons de l’UE » qui exercent toujours plus de pression sur Westminster. En effet, ils veulent unanimement mettre fin à la première phase du Brexit. Néanmoins, ils ne désirent aucunement le départ du Royaume-Uni sans un accord établi.

Boris Johnson a une forte chance de percer. Les dernières probabilités en la matière suggèrent qu’une nouvelle majorité de députés en faveur de cet accord est maintenant établie. Selon certains journaux, le « oui » pourrait l’emporter avec 5 voix en tête, même si les députés du DUP (Parti Démocratique Unioniste) s’opposent toujours à cet accord. Le DUP craint que cela ne devienne un premier pas vers la réunification de l’Irlande. En effet, le récent backstop, qui n’est, par ailleurs pas une nouveauté, constitue le premier backstop proposé par l’UE, cependant légèrement reconditionné. Il implique dans son principe le fondement d’une nouvelle frontière entre la Grande Bretagne et l’Ireland du Nord.
Si Boris Johnson ne parvient pas à faire adopter son Withdrawal Agreement Bill, la grande question sera de savoir si l’UE accordera au Royaume-Uni une nouvelle extension de l’Article 50. Malgré les réticences de la part des « faucons » de l’union européenne, la réponse sera sans aucun doute un « oui ». En effet, aucun pays n’est vraiment préparé à un no deal Brexit pour l’échéance du 31 octobre. Dans ce cas, Johnson deviendrait le grand perdant, et les autres scénarios alternatifs, y compris celui d’un nouveau référendum, seraient de nouveau dans la course.

Il existe, bien entendu, d’autres possibilités à prendre en compte d’ici la fin du mois d’octobre. Les députés peuvent tenter de demander un nouveau référendum, et l’UE peut évidemment décider de refuser d’accorder au Royaume-Uni une extension de l’Article 50. Si Westminster votait en faveur de l’accord Johnson, cela mettrait fin au premier chapitre du Brexit. Néanmoins, la saga du Brexit ne s’arrêterait pas là. Le Royaume-Uni quitterait officiellement l’UE le 31 octobre, ou un peu plus tard, au cas où une extension technique serait appliquée. Le pays entrerait alors dans une période de transition qui durerait jusqu’en décembre 2020, et qui pourrait être prolongée de un à deux ans. Au cours de cette période de transition, le Royaume-Uni et l’UE pourraient négocier un accord commercial. Mais, il faut souligner qu’en moyenne, cela prend six à sept ans pour l’UE avant de pouvoir conclure un accord avec un autre pays tiers.

Cela signifie qu’il existe une forte possibilité pour qu’à la fin de la période de transition, les relations commerciales entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne soient gérées par les règles de l’OMC, avant d’être éventuellement soumise à un accord de type FTA+ ou ++. Cela dépendra en grande partie des décisions du Royaume-Uni en matière de réglementation. En ce qui concerne le secteur financier, Mark Carney quittera ses fonctions fin janvier et pourrait être remplacé par Andrew Bailey, qui envisage clairement certaines divergences dans les réglementations financières britanniques et européennes. Cela signifie qu’il pourrait être difficile de conclure des accords d’équivalence entre le Royaume-Uni et l’UE.

Par ailleurs, des élections anticipées devraient avoir lieu très prochainement, quel que soit la nature du Brexit, car Johnson n’a pas de majorité au parlement. Si Johnson gagne la semaine prochaine, les conservateurs pourraient obtenir une majorité absolue à Westminster. Dans le cas contraire, il y aurait une fragmentation dans le paysage politique, ce qui aggraverait encore un peu les choses. Dernier point mais non le moindre, le Royaume-Uni peut revenir en arrière à tout moment pendant cette période de transition. 

 


En résumé

Il est devenu plus probable que Westminster ratifie le Withdrawal Agreement Bill, mais la route reste tout de même semée d’embuches.