Publié le 01/07/19
Publié le 01/07/19
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La probabilité d’un no-deal Brexit est en forte augmentation à la suite des derniers événements en date. Comment ce scénario impacterait-il l’économie britannique et la politique monétaire de la BoE si Boris Johnson devenait Premier Ministre ?

René Defossez, économiste UK et stratégiste Fixed Income vous livre son analyse à travers ce podcast à écouter : 

HARD BREXIT - Quels sont les impacts à prévoir selon ce scénario ?

 

 

La forte augmentation de la probabilité d’un no-deal Brexit

Comme le montrent les sites des bookmakers et un certain nombre de grandeurs de marché tel que le change ou encore les points morts d’inflation des linkers britanniques (les seuls à bien se comporter et qui ont atteint récemment des niveaux élevés), la probabilité d’un no-deal Brexit a fortement augmenté.
Comment expliquer cette forte augmentation ?

6 raisons principales nous guident vers ce scénario :

  • 1. L’échec à faire adopter le Withdrawal Agreement par Westminster
  • 2. La démission de Theresa May (un peu une victoire des Brexiters de son camp)
  • 3. L’échec retentissant des Tories aux élections européennes, qui s’explique notamment par le fait que les Britanniques étaient exaspérés par l’incompétence du gouvernement
  • 4. La probabilité assez forte que Boris Johnson devienne le prochain premier ministre
  • 5. Du côté européen, il est assez clair que l’UE ne modifiera plus le Withdrawal Agreement
  • 6. Le calendrier impose que le nouveau premier ministre ne soit pas élu avant fin juillet, nous avons une pause estivale, puis les conférences des partis pour arriver en octobre sans avoir eu le temps de négocier.

Un scénario à envisager

Boris Johnson pourrait devenir le nouveau premier ministre (actuellement en campagne contre Jeremy Hunt). Il essaierait timidement de renégocier le Withdrawal Agreement qui échouerait, mais il aurait préparé en même temps le pays à un no-deal Brexit, qui aurait lieu le 31 octobre.
Préparer le pays veut dire préparer des plans de continuité et des équivalences. Le no-deal Brexit sera donc ce que l’on a coutume d’appeler, de l’autre côté de la Manche, un « managed no-deal Brexit ».
Le principal risque associé à ce scénario serait le suivant : le Parlement qui peut faire tomber le gouvernement de deux manières différentes. On aurait en premier recours des élections anticipées ou en seconde option un vote de défiance. Mais les grands partis se mettraient en risque avec de nouvelles élections (Brexit Party et Lib Dem pourraient faire un très bon score, en dépit du système électoral britannique qui privilégient les grands partis (et qui explique le bipartisme en vigueur jusqu’à aujourd’hui).
Le risque d’un nouveau référendum semble en revanche plus faible.

Les impacts à prévoir sur l’économie britannique

Géré ou pas, le no-deal Brexit pèsera lourd sur l’économie britannique, qui va tomber en récession. En fait, le risque Brexit a déjà coûté cher au pays.

  • 1. Les entreprises ont dû s’ajuster à ce risque par des plans de contingence, beaucoup de ressources consacrées à leur préparation. Elles ont dû accumuler des stocks au 1er trimestre en prévision du Brexit qui devait avoir initialement lieu fin mars et cela coûte cher.
  • 2. On a constaté une baisse des investissements à chaque trimestre
  • 3. Nous avons également vu une baisse de la confiance, aussi bien des ménages que dans les milieux d’affaire

Si on fait un calcul de coin de table, le Royaume-Uni aurait déjà perdu rien qu’avec le Brexit gbp 55 à 60 milliards de livre sterling.

Un managed no-deal Brexit fin octobre signifierait un recul du PIB 3 trimestres consécutifs à partir du dernier trimestre de cette année. En glissement annuel, on aurait un recul du PIB du T1 au T4 de l’année prochaine. Et la perte totale de richesse par rapport à une trajectoire de croissance même modérée, disons de 1.5 % l’an à partir de maintenant serait de l’ordre de 130 à 140 Mds d’ici à la fin de l’année prochaine.
Les principales explications de la baisse du PIB sont bien sûr les exportations nettes puisque le RU a la bonne idée de dresser des barrières entre lui et l’UE, son principal partenaire commercial (droits de douane, contrôles aux frontières, etc…)
Mais aussi l’investissement, à cause de la baisse de la demande intérieure et le flou total quant aux relations futures entre le UK et l’UE (on peut penser quand même penser que le UK finira par conclure un accord commercial avec l’UE).
La consommation baissera avec la baisse des salaires réels, la hausse du taux d’épargne ou encore la baisse des crédits conso nets.
La seule « bonne nouvelle » serait que le gouvernement pourra utiliser le budget à des fins contra cycliques, puisqu’il a réussi à réduire assez significativement le déficit budgétaire au cours des dernières années, au prix, il est vrai, de coupes dans les dépenses sociales très importantes.
Le change pourrait aussi être utilisé comme levier de croissance, avec bien sûr la limite de l’inflation (si l’inflation montre trop, l’arme du change deviendrait contreproductive).

La politique monétaire de la BoE en cas de no-deal Brexit

La Banque d’Angleterre devient plus nerveuse avec la probabilité croissante d’un no-deal Brexit, comme elle l’a montré au dernier CPM.
Elle a fait comme tout le monde des études d’impact des différents scénarios de no-deal Brexit. Dans le cas d’un disorderly Brexit, le choc pourrait être selon elle plus important que la crise de 2008.
En cas de managed no-deal Brexit, le taux de base retournerait à 0.25 % et devrait baisser rapidement, une fois en décembre et une fois en mars. Banque d’Angleterre ne devrait pas utiliser le quantitative easing si le recul du PIB n’est pas plus violent que ce que nous anticipons. Le quantitative easing est un outil exceptionnel, mais le recul de la croissance lié à un managed no-deal Brexit ne le serait pas dans son ampleur.


En résumé :

1 – Nous allons vers un no-deal Brexit avec un scénario où Boris Johnson pourrait devenir le futur 1er ministre
2 – L’impact sur économie du Royaume-Uni serait très important
3 – En conséquence, la BoE devrait baisser ses taux par deux fois de 50 points de base au total