#Business
Publié le 15/10/20
Lecture 2 Min.
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Chef économiste de la recherche CIB, Jean-François Robin interroge la solidité des fondamentaux de l’économie et leur capacité à soutenir la croissance et le développement dans le contexte de la crise sanitaire du coronavirus. Son équipe fédère 50 analystes et chercheurs, essentiellement en Europe (Londres, Francfort, Paris), aux États-Unis (New York) et en Asie (Hong Kong et Tokyo).

JEAN-FRANçOIS
ROBIN

Responsable de la recherche CIB de Natixis

L’économie française a-t-elle bien résisté face à la crise du coronavirus ?

Depuis mars dernier, nous sommes confrontés à une crise totalement inédite, ne serait-ce que parce que personne dans le monde ne connaît ce virus. En conséquence, les réponses évoluent. Il est facile de dire « on aurait dû, on aurait pu », mais la réalité, c’est qu’on ne sait pas. On a réussi à protéger le revenu des ménages. Selon l’Insee, au plus fort de la crise, nous avons perdu 14 % de taux de croissance, alors que ce revenu n’a baissé que de 2 %. Les ménages ont pu ainsi constituer 100 milliards d’euros d’épargne de précaution. De même, à ce jour, peu d’entreprises font défaut, même moins que l’an dernier. Pour l’instant, les mécanismes d’aides les protègent énormément, alors qu’elles subissent le pire choc depuis les années 1930. On a ainsi pu baisser le taux de travail de 50 %, tout en continuant à rémunérer les salariés à 70 %. En réaction, il est normal que le taux de chômage monte, mais il a peu augmenté, pour l’instant.

 

Pour l’instant, le gros du choc est porté par l’État français…

Quand on pense à l’ampleur de la crise, il ne faut pas être trop critique. On a fait en sorte que l’économie ne s’arrête pas, on a réussi à se nourrir, sans pénurie, sans rupture d’approvisionnement. En même temps, cette crise a permis de faire sauter plein de verrous. On observe l’accélération de la transition de l’économie avec une vraie prise en compte de la problématique du changement climatique, du télétravail et de la digitalisation. On observe une véritable baisse de la pollution, qui fait plus de 30 000 morts par an. Le monde ne s’est pas non plus arrêté, on s’est nourri et on a pu continuer à acheter des biens (écrans d’ordinateurs, réfrigérateurs) même si les médicaments demandés par tous au même moment ont manqué et les échanges de biens ont pu continuer. Alors qu’on aurait pu craindre une crise du dollar ou des états souverains, les ménages ont été protégés ; les entreprises sont certes très secouées, ce qui est normal après un tel choc, maisil n’y a pas de crise de la dette souveraine, ni de la zone euro, alors que la dette explose. Jusqu’à présent, on a échappé à tout cela.

 

Quels sont les mécanismes de défense déployés ?

L’Europe et l’État français ont déployé avec le soutien de la Banque centrale européenne (BCE) et des banques ce mécanisme de prêts aux entreprises. Cette coopération est totalement nouvelle et intéressante. Un équilibre coopératif s’est institué entre les États, qui supportent le gros du choc, la BCE et les banques centrales qui les aident à le financer.La BCE accorde de la liquidité aux banques, qui elles-mêmes donnent de la liquidité aux consommateurs. Le transfert se fait de manière claire, transparente, avec les prêts garantis par l’État (PGE) dont les taux sont à prix coûtant et les marges fixes, sans discrimination. Alors que nous sommes dans une année de très forte récession, la distribution de crédit a augmenté de plus de 14 % sur l’année (120 milliards d’euros) pour les entreprises, comme pour les ménages. Les banques analysent bien sûr la qualité de crédit, conformément aux notations de la Banque de France. L’idée est de ne pas prêter à des entreprises qui n’auraient pas survécu même sans le Covid.

 

Les banques jouent donc bien leur rôle ?

En 2008, les banques étaient une partie du problème. Elles font désormais partie de la solution aujourd’hui, en maintenant des conditions assez favorables par la délivrance massive des prêts garantis par l’État. Il n’y a pas de crise financière, comme en 2008 marquée notamment par une crise de liquidité de l’économie, hormis en Argentine, mais cela n’a rien à voir avec la pandémie. S’il n’y avait pas ces mécanismes bancaires formidables, cela aurait pu être pire. Le crédit aux entreprises continue de progresser malgré la crise, et pas seulement sous l’effet des prêts garantis. Le crédit à l’investissement a augmenté de 5,6 % en juillet, après 5,9 % en juin ou 6,2 % en mai et 6,4 % en mars, en pleine crise du coronavirus.En taux de croissance annuel, le crédit aux entreprises progresse de 12,6 %, alors que l’économie française devrait connaître sa pire récession depuis les années 1930, à - 9 % sur l’ensemble de l’année 2020.

 

Êtes-vous optimiste pour 2021 ?

Tout va dépendre de l’évolution de l’épidémie de Covid. Notre scénario central est que le virus ne mute pas trop et que l’on trouve un vaccin rapidement. Une douzaine de laboratoires sont en lice pour l’heure. Neuf en sont aux tests finaux, et 300 000 personnes sont testées à travers le monde. La question sera la capacité à vacciner les personnes à risque rapidement pour faire revenir la confiance chez les particuliers et les entreprises. Si des vaccins étaient disponibles en 2021, l’année pourrait ne pas être trop mauvaise. Après la chute et le chaos de 2020, on verrait mécaniquement la croissance française remonter à 6 %. La lecture optimiste qui est la mienne, est de considérer que le gros du choc est derrière nous. Mais si le virus mute demain et anéantit tout espoir de vaccination, s’il faut tout reprendre à zéro, on basculerait évidemment dans un choc beaucoup plus long et traumatisant à tous points de vue. Ce qui rend cette pandémie inédite est son caractère mondial simultané mais c’est là peut-être aussi sa faiblesse. Les efforts de recherche et de développement de vaccins sont eux aussi mondiaux et concomitants et, tôt ou tard, permettront de revenir si ce n’est à la normale du moins à une nouvelle normalité, plus digitale, green et où l’on jouera plus à domicile ce qui est souvent gagnant.

 


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