#Business
Publié le 22/10/20
Lecture 2 Min.
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Ancien patron du fixed income, après avoir dirigé pendant quatre ans la plateforme Asie Pacifique de la Banque de grande clientèle de Natixis à Hong Kong, Alain Gallois est rentré en France en mai dernier pour prendre la responsabilité de l’activité banque d’investissement. Il est aujourd’hui à la tête d’une équipe mondiale de 300 collaborateurs qui couvrent, à l’exclusion des fusions-acquisitions, tous les métiers liés au conseil stratégique (conseil, ingénierie financière, refinancement sur les marchés) pour les entreprises comme pour les institutions financières ou les souverains. Il revient sur la crise du coronavirus et les premiers mécanismes de secours pour lesquels Natixis s’est mobilisée. Il présente ensuite les grands enjeux à relever et clefs de la future relance.

ALAIN
GALLOIS

Responsable mondial du coverage et responsable EMEA de la Banque de grande clientèle et membre du comité exécutif de Natixis.

La crise du coronavirus a été un choc phénoménal pour les marchés, les entreprises et les États... La réaction de l'État français et des banques vous semble-t-elle à la hauteur ?

En mars dernier, le pays et la planète se sont presque mis à l'arrêt. Ce fut une période extrêmement stressante pour les entreprises. Personne n'avait vécu une situation semblable. Personne ne savait où cette crise allait nous mener et, en particulier, la liquidité, en mars et avril, était un vrai sujet d'inquiétude, à la fois pour les banques et pour les entreprises. La BCE a réagi extrêmement rapidement en confirmant la mise en place de systèmes exceptionnels pour pourvoir à la liquidité de tous les intervenants de marché. L'État français a aussi été très proactif en proposant la mise en place des prêts garantis par l'État (PGE) dans un délai extrêmement court.

 

Comment s'est passée la mobilisation au sein des équipes de Natixis ?

Nos collaborateurs ont travaillé comme des fous pendant deux mois. Nous avons ainsi pu mettre en place les premières lignes de soutien, des solutions immédiates pour pallier les problèmes que les entreprises pouvaient rencontrer dans leur gestion de la crise du coronavirus. Dans cette période extraordinaire, nous avons continué à accompagner étroitement nos clients grâce à l'appui des équipes IT et à notre programme Easy, facilitant la collaboration entre nos équipes et le travail en mobilité.

 

Les plans de soutien massifs sont-ils bien orientés ?

Le Groupe BPCE et Natixis, sa filiale, ont été particulièrement actifs dans l'accompagnement de nos clients dans les prêts garantis par l'État (PGE) ; c'est la première mesure qui a permis de donner du souffle à nos clients entreprises. Ce mécanisme français, très efficace, connaît des mécanismes similaires en Europe et dans d'autres pays du monde. La rapidité avec laquelle les banques centrales ont apporté la liquidité nécessaire, le fait que les gouvernements aient mis en place des systèmes de rescue ad hoc et qu'on ait pu travailler de façon quasi normale malgré le confinement, ont garanti une certaine sérénité dans une situation particulièrement difficile. Ces PGE ont permis aux entreprises de mieux traverser cette crise, et notamment de mettre en place des mesures extraordinaires de soutien de l'activité et des équipes pendant le trou d'air du business...

 

Quel impact subissent les entreprises aujourd'hui ?

En France, le PIB devrait être en baisse de 9 % sur l'année 2020. C'est mieux que ce que l'on avait craint, mais c'est la chute la plus forte depuis la Seconde Guerre mondiale. Notre parti pris a été d'accompagner les entreprises très rapidement dans la gestion de la crise de la Covid-19, soit en mettant en place des lignes de crédits syndiqués, soit en proposant des appels aux marchés. Le marché obligataire a été extraordinairement actif pour les entreprises. Natixis s'est particulièrement distinguée en étant présente sur 8 opérations sur 10 pour les corporates françaises, soit une part de marché de 80 %. Ce contexte de marché très délicat nous a contraints à travailler en très forte proximité avec nos équipes de risk management pour essayer d'analyser l'impact de la Covid-19, et nous avons sélectionné les entreprises avec lesquelles nous pouvions construire des relations équilibrées, de type partenariat.

 

Comment pouvez-vous les soutenir ?

Notre ADN, c'est la capacité à aider nos clients. Certaines entreprises, épargnées par la crise (notamment celles des secteurs de la santé, de la tech, du food), ont connu une très forte croissance. Pour beaucoup d'autres, l'impact se traduit par un trou de trésorerie, que l'on va bridger* pendant quelques mois. Concernant les entreprises les plus touchées, affaiblies de façon structurelle où dont la Covid-19 a catalysé les problématiques de liquidité, nous veillons à aligner parfaitement notre politique commerciale sur notre politique de risque. La situation actuelle nécessite une relation de très forte proximité, de confiance et de transparence avec nos clients, afin d'avoir une vision claire et prévisionnelle de la situation. À partir de là, nous pouvons nous faire notre propre jugement et mettre en place les mesures d'accompagnement et les produits de marché qui peuvent les aider aujourd'hui, dans une situation de trou d'air, puis de recovery. Même dans des cas très complexes, il peut y avoir des solutions. C'est de l'horlogerie de précision car, encore une fois, nous vivons une situation unique, la gestion de l'inédit.

 

Natixis est-elle bien équipée pour les temps à venir ?

Une part non négligeable de notre business provient de notre marché domestique, historique, la France, où nous sommes les plus présents, par exemple sur la plupart des émissions du CAC 40 ou encore sur les programmes sociaux, comme celui de la CADES et de l'Unédic. Mais la répartition de nos revenus est aussi de plus en plus internationale nous permettant de mieux diversifier nos revenus et nos risques. Depuis six ans, nous avons beaucoup travaillé pour diversifier notre business à l'international et nous avons créé un réseau mondial de boutiques de fusions-acquisitions qui arrive à point nommé aujourd'hui. Nous sommes en capacité d'accompagner nos clients dans des opérations d'achat ou de vente, de renforcement, de cession, mais également dans tous les types de financement, sur des opérations européennes et mondiales, comme les émissions obligataires de la Banque mondiale. Nous venons aussi d'être mandatés par le Mexique pour ouvrir sa première émission obligataire green. Nous étions le seul structureur de l'opération, alors que notre présence dans ce pays est très limitée. Cela démontre la puissance de notre expertise en finance verte, déployée depuis dix ans et désormais de plus en plus imbriquée dans les réflexions de nos clients.

 

Peut-on voir se préciser d'importants mouvements de concentration ?

Oui, nous nous attendons à un mouvement de concentration et de consolidation européen et mondial. Nous pensons qu'à la sortie de cette crise, les entreprises les plus fortes, même si elles peuvent souffrir, sortiront renforcées face à leurs compétiteurs. C'est le sens de l'histoire ; on commence à le constater et cela ne peut qu'être accentué par l'effet Covid. Dans cette situation, il est important de conserver, au sein des entreprises, des capacités d'adaptation, de rapidité et d'agilité. De notre côté, nous nous devons d'être à l'écoute afin de proposer les meilleures idées et solutions à nos clients.

 

Natixis met en place le projet mega trends, pouvez-vous nous le détailler ?

Nous vivons une crise inédite, qui n'est pas une crise de liquidité, financière comme celle de 2008, mais une crise sanitaire qui impacte toute l'économie mondiale. Cette crise n'est pas à l'origine de grandes évolutions ou révolutions, mais elle est un facteur d'accélération massif. Elle catalyse des mouvements qui existaient déjà, notamment sur le green et le social. Elle va déclencher des nouveaux réflexes et améliorer les mouvements dans la santé, les énergies renouvelables et la technologie. Nous réfléchissons actuellement aux grandes tendances des marchés qui vont guider les orientations stratégiques de nos clients. Il est important de les aider à dessiner leur futur, à anticiper les mouvements à la fois sociétaux et économiques qui vont impacter leur avenir.

 

Êtes-vous optimiste pour l'année 2021 ?

Je pense que les gouvernements, les banquiers centraux, les banques commerciales ont mis en œuvre les bons outils et développé les bons réflexes pour soutenir l'économie et pour aider les entreprises à passer le trou d'air. So far so good, il reste encore beaucoup d'incertitudes : l'étendue de la deuxième vague de pandémie, la capacité des pays à gérer cette situation qui n'est pas terminée, la fermeture des frontières, les incertitudes liées aux élections américaines en novembre prochain... Tout cela génère beaucoup de volatilité et peut encore créer des réactions de stress. Nous conseillons à nos clients d'être aussi proactifs que possible afin de bénéficier et d'utiliser pleinement les bonnes conditions de marché (taux d'intérêts), tout en assurant un matelas de liquidités permanent. Nous pensons que cela leur permettra de faire front, sachant que le retour à la normalisation des économies va prendre du temps. Chez Natixis, nous continuons à faire notre job : être un banquier de proximité dans les bons moments mais aussi les plus difficiles.

 

* Financer sous la forme d'un crédit relais
** Part du capital et des intérêts qui revient au créancier en cas de défaillance du débiteur

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