Responsable mondiale de real assets à la Banque de grande clientèle, Anne-Christine Champion analyse les nouveaux besoins et enjeux des secteurs stratégiques dont elle a la responsabilité au sein de Natixis : infrastructures, énergie immobilier, aviation…
ANNE-CHRISTINE
CHAMPION
Co-responsable mondial de Natixis Corporate & Investment Banking et membre du comité de direction générale.
Vous êtes normalienne et agrégée de physique. Ce profil atypique vous aide-t-il dans votre métier de responsable mondiale de real assets pour Natixis ?
Mon parcours académique était orienté vers les sciences, la recherche et l’innovation. Ces motivations m’animent depuis toujours et depuis que j’ai rejoint la banque, j’observe que cette quête d’innovation est au cœur de nos métiers. Depuis une dizaine d’années, tous les acteurs et dirigeants sont confrontés à un environnement extrêmement complexe. La capacité à s’adapter et à innover est essentielle pour bien mener la stratégie d’une entreprise ou d’une banque.
Le monde change beaucoup en effet, et ce n’est pas si récent ?
Dès 2007-2008, la crise financière mondiale a créé pour les banques un environnement complexe. Depuis, d’autres facteurs ont créé, dans l’environnement économique et social, des disruptions qui accroissent encore cette complexité. Il faut désormais vivre avec la conscience que l’environnement est changeant et intégrer cette donnée dans l’établissement d’une stratégie de long terme. Aujourd’hui, la crise sanitaire et sociale que nous traversons est, par son impact social et les incertitudes qu’elle engendre, sans commune mesure avec les précédentes crises, car elle est également mondiale et qu’elle touche des pans très importants de l’économie.
En quoi consiste le projet mega trends, porté par Natixis ?
Certaines tendances de fond (mega trends) qui existent depuis toujours, s’accélèrent encore du fait de la Covid-19. Ce sont comme des vagues, qui arrivent avec une puissance d’autant plus forte que ce sont des lames de fond : la transition énergétique, les changements sociétaux (comme le télétravail, l’e-commerce, le vieillissement de la population dans certaines régions du monde, l’importance de la santé pour l’ensemble des citoyens et des entreprises) … Tout cela crée des challenges et des opportunités, notamment dans les domaines des infrastructures, de l’énergie, de l’immobilier, de la santé, de la logistique pour l’e-commerce, des télécoms pour les data centers en raison de la croissance très forte de la consommation de data. Au cours des dernières années, Natixis a développé une expertise qui permet d’accompagner nos clients dans leur capacité à anticiper ces transformations, tant en conseil qu’en levée de capitaux, dette ou equity.
Quels sont, dans ce contexte tendu, les besoins de vos clients dans les domaines sensibles que vous gérez : aviation, énergie, immobilier et infrastructures ?
Ces secteurs sont impactés de façon différente par la crise actuelle. La crise qui touche l’aviation est inédite. Jusqu’à maintenant, le transport aérien connaissait une croissance très forte et ininterrompue. Tout s’est arrêté brutalement. En avril dernier, 65 % de la flotte mondiale était au sol. Un an auparavant, personne n’aurait parié que de tels scénarios pouvaient être envisagés ou analysés. En septembre, ce chiffre est passé à 35 %, même si la question du remplissage des avions se pose. Cette industrie, très impactée, le restera pour les deux / trois prochaines années…
Et pour l’hôtellerie ?
Comme l’aviation, l’hôtellerie est frappée de plein fouet par la crise actuelle. Cela va lui prendre du temps avant de se remettre à flot. La croissance reprendra, certes, mais moins fortement, les habitudes vont évoluer… Ce qui est frappant dans cette crise, ce sont ses effets. Le trafic ou le redémarrage peuvent reprendre plus ou moins de façon domestique, mais au niveau mondial, tout est bloqué.
Pour l’instant, l’immobilier semble plus résilient…
La situation est plus contrastée en fonction des segments. Pour les bureaux, l’écart se creuse entre les actifs de bonne qualité pour le futur (c’est-à-dire, ceux qui offriront un bon accès aux réseaux de communication, de transport et une bonne adaptabilité des espaces) et les autres. La bonne nouvelle, c’est qu’il y a une très grande liquidité dans le marché pour tout ce qui est actifs réels, infrastructures et immobilier. L’environnement est le catalyseur à ces investissements, et les financements pourront être apportés par le secteur privé.
Quels sont les secteurs qui se portent encore le mieux ?
Les énergies renouvelables, les infrastructures telecom, la santé, la logistique, l’environnement, le nouveau monde digital, tous ceux qui accompagnent la percée technologique, l’arrivée de la tech, sont les mieux placés. De nouvelles opportunités se présentent, les besoins en investissements s’accélèrent. On voit la volonté des gouvernements et des pays d’accélérer enfin la transition énergétique avec, par exemple, le plan français à 7 milliards d’euros sur l’hydrogène. Mais, même au sein de ces secteurs, il y aura des gagnants et des perdants. L’opportunité est ainsi offerte à certains players d’émerger comme des leaders. Notre expertise consiste à savoir les identifier pour les accompagner. Dans cette crise, nous sommes à la manœuvre pour accompagner nos clients.
Que leur conseillez-vous ?
Chaque cas est particulier. Le conseil va être différent, souvent sur mesure, selon les situations financières : ce sera soit d’investir très vite, soit d’attendre que le secteur ait franchi un certain seuil. La crise peut créer des défauts de liquidités. Un accompagnement de court terme est possible, notamment en France via les prêts garantis par l’État (PGE). Nous sommes aussi très présents en matière de levée de fonds et de gestion de financement à court et moyen terme. Nous les accompagnons enfin en conseil M&A* et en levée de capitaux. Mais quel que soit le secteur ou la géographie, ce qui est transversal à toutes les industries, c’est le leadership et la capacité à innover et s’adapter. La diversité des équipes et le « mindset » de l’ensemble des collaborateurs permettront de s’adapter, d’approcher les problèmes et de trouver des solutions avec plus d’agilité et de performance.
*Fusions-acquisitions