#Business
Publié le 19/10/20
Lecture 2 Min.
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#Business

DAMIEN
CLéRIS

Coresponsable mondial du coverage 

La crise de la Covid est une période délicate pour tous, et pour les banquiers en particulier ?

Pendant ces périodes de grandes turbulences où les entreprises doivent réfléchir, analyser et faire des choix, le métier de banquier conseil prend toute son ampleur. Notre rôle, c’est d’abord d’écouter nos clients. Nous nous appuyons sur la connaissance intime que nous avons d’eux ainsi que les relations de confiance établies de longue date. Nous leur apportons des idées, les challengeons, parfois en leur indiquant notre désaccord. In fine, ce sont eux qui décident. Depuis début mars 2020, nous sommes extrêmement présents auprès d’eux et, même si nous n’avons pas pu nous voir physiquement au début, nos équipes ont travaillé comme jamais pour maintenir un dialogue permanent sur les solutions existantes, leur apporter des informations de marché, organiser des réunions avec nos économistes et experts… Nous avons aussi été très actifs en financement bancaire et non-bancaire au deuxième trimestre, pour leur assurer une sérénité dans la gestion de la trésorerie et, notamment en France, les orienter vers les prêts garantis par l’État (PGE). Une fois les urgences réglées, nous les aidons à analyser leur situation avec l’ambition affichée de les accompagner dans leurs opérations stratégiques avec l’ensemble des métiers de Natixis.

 

En France, les prêts garantis par l’État ont-ils joué efficacement leur rôle de protection ? Sont-ils suffisants ?

Le déploiement des PGE a été l’un des plus rapides en Europe, alors que c’est un dispositif complexe à mettre en œuvre. Les banques françaises ont joué le jeu de manière particulièrement efficace, notamment le Groupe BPCE, dont Natixis est une filiale. Maintenant, alors que les PGE ont couvert les premières nécessités, à savoir maintenir la trésorerie à flot, vont apparaître des situations où les entreprises ne pourront pas supporter leur niveau d’endettement dans la durée. Certaines trouveront elles-mêmes les solutions offertes par les investisseurs sur les marchés de capitaux pour s’adapter, se transformer et se renforcer. Pour les autres, les autorités publiques travaillent sur plusieurs plans d’accompagnement. Les plans de relance français et européen sont très significatifs et soutiendront les entreprises actives dans les secteurs visés : infrastructures, transition énergétique, technologies, santé, etc. Par ailleurs, d’ici au 1er trimestre 2021, un deuxième volet qui n’est pas encore stabilisé proposera un plan de soutien pour aider les entreprises fragilisées à renforcer leurs fonds propres pour retrouver un niveau de solvabilité leur redonnant des marges de manœuvre pour se développer. À mon sens, l’objectif des PGE d’éviter les défauts de paiement et faillites des entreprises à court terme et ainsi de contribuer au maintien de l’économie est bien atteint.

 

Ce système d’aide est-il tenable sur la durée ?

Encore une fois, les situations sont très disparates. Plus les entreprises ont agi rapidement sur leur trésorerie, en optimisant les coûts et en baissant les charges grâce aux aides proposées, mieux elles se sont mises en ordre de marche pour pouvoir résister à une crise longue. Parmi nos clients, beaucoup ont pris des mesures préventives sur la base d’un scénario plus dur qu’il ne le fut en réalité. Pour autant, il n’est pas souhaitable de rester avec un endettement des entreprises très élevé, mais la catastrophe a été évitée.

 

Comment les entreprises françaises traversent-elles la crise ?

Le spectre du marché français est extrêmement large. Il y a le peloton de tête des entreprises, notamment les plus grandes et celles actives dans des secteurs tels que la tech et la santé, qui s’en sortent très bien grâce à l’activité robuste qu’elles avaient avant la crise. Certaines ont même vu leur business model renforcé pendant le confinement. Après la première partie de la crise dont nous ne sommes pas entièrement sortis, ces entreprises sont toujours soutenues par leurs banques et l’ensemble des marchés financiers. Dans ce marché plutôt porteur pour elles, elles sont en bonne position pour mener des opérations stratégiques.

 

Quelles sont les caractéristiques du deuxième groupe ?

Ces sont les entreprises qui étaient saines avant la crise, mais dont l’activité a été affectée par la Covid-19. Avec l’installation de la crise dans la durée, même si leur trésorerie s’est maintenue, leur niveau d’endettement va limiter leur capacité à investir et se développer durablement. Elles devront avoir à cœur de renforcer leurs structures financières, potentiellement en émettant de nouvelles actions ou en cédant des actifs non stratégiques, avant de repartir de l’avant. Elles sont un peu comme un bateau qui doit lâcher du lest pour revenir à un bon niveau de flottaison.

 

Et pour la troisième catégorie ?

Elle regroupe les entreprises très durement affectées qui, à ce jour, sont encore loin d’être revenues à des niveaux d’activité d’avant Covid. Elles tiennent la tête hors de l’eau grâce aux prêts garantis par l’État (PGE), mais elles sont très fragilisées. Elles vont avoir beaucoup de mal à sortir de la crise par elle-même.

 

Que conseillez-vous à ces entreprises dans la situation actuelle ?

Nous arrivons à mener un dialogue fécond avec l’ensemble de nos clients, grandes entreprises et ETI (entreprises de taille intermédiaire), mais nous sommes bien sûr amenés à adopter un dialogue très différencié en fonction de leur situation. Avec le premier groupe, nous accélérons notre dialogue stratégique pour accompagner leurs opérations de transformation. Nous travaillons bien sûr aussi avec le deuxième, pour leur redonner une situation financière saine et renforcer leur capital. Pour le troisième, un dialogue stratégique plus profond est nécessaire pour déterminer comment transformer l’entreprise, comment la sauver. Cela peut passer par un changement d’actionnariat ou des plans de restructurations profondes. Pour ces dernières, les choix seront beaucoup plus impactants, y compris pour les actionnaires existants. La prise de décision n’est pas évidente. Nous apportons un point de vue extérieur et moins émotionnel que celui d’un dirigeant ou d’un actionnaire.

 

Êtes-vous optimiste pour l’année 2021 ?

Le retour à la normale n’est pas pour demain. La volatilité et les incertitudes actuelles ne facilitent pas les investissements à long terme, dans lesquels les entreprises ont besoin de se projeter. Par ailleurs, certains secteurs comme l’aviation, l’hôtellerie ou l’événementiel vont souffrir pendant une longue période. Hormis cela, la situation est moins grave que ce que l’on aurait pu craindre il y a quelques mois. Pour certains, les activités ont repris, presque à 100 % et les consommateurs se sont adaptés. Pour nos clients, je suis raisonnablement optimiste. Je vois qu’une bonne partie ont pris des mesures fortes pour s’adapter à cette période compliquée et des solutions existent pour la grande majorité. D’ailleurs, les opérations stratégiques tels que les fusions, acquisitions, prises de participation ou levées de fonds se multiplient depuis la rentrée, signe que de nombreux acteurs économiques sont repartis de l’avant. De notre côté, cette période est une très belle opportunité de nous rapprocher de nombre de nos clients et de pleinement jouer notre rôle !

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