#Business
Publié le 13/05/19
Lecture 5 Min.
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Épargne salariale, épargne retraite, actionnariat salarié : la loi Pacte qui vient d’être adoptée va rebattre les cartes dans le paysage des placements français avec un objectif majeur : drainer l’épargne vers l’économie réelle.

Adoptée le 11 avril 2019 par l’Assemblée nationale, la loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) a pour objectif d’aider les entreprises françaises à innover et se développer. Encore faut-il qu’elles disposent des fonds nécessaires pour le faire : d’où l’un des principaux pans de la loi, qui concerne l’épargne salariale, l’épargne retraite et l’actionnariat salarié. En facilitant l’accès à ces produits, en les harmonisant et les rendant plus attractifs, le gouvernement espère inciter les épargnants à mettre davantage d’économies sur des produits qui irriguent l’économie réelle. Une nouvelle donne qui pourrait, à moyen terme, changer profondément le paysage de l’épargne en France.

 

Trois leviers pour encourager ces produits d’épargne

Pour encourager ces trois types de placements – l’actionnariat n’étant pas à proprement parler un produit ─ la loi joue sur trois leviers : encourager les entreprises à proposer ces produits à leurs collaborateurs en allégeant leur coût, grâce à la suppression du forfait social pour celles de moins de 50 salariés ; inciter les Français à y placer une partie de leurs économies grâce à des mesures fiscales ; faciliter l’appropriation de ces produits par une simplification des règles et un effort de pédagogie.

14 % des individus détiennent un produit d’épargne salariale*

De quoi, donc, faire bouger un peu les lignes par rapport à la situation actuelle : les Français, qui épargnent environ 14 % de leurs revenus, choisissent en priorité les livrets défiscalisés, puis l’assurance-vie en euros pour placer leurs économies. Seuls 14 % des individus détiennent au moins un produit d’épargne salariale (PEE, PERCO, intéressement…) et ces personnes se recrutent majoritairement parmi les 40-49 ans. Quant à l’actionnariat salarié, il est sur une bonne dynamique que la loi devrait amplifier : 3 millions de personnes détiennent des actions de leur entreprise, ce qui met la France en tête du peloton européen.

* Source : ministère de l’économie et des finances

 

Nouveaux contrats en forte hausse

Les changements de comportement, d’ailleurs, se sont amorcés avant même le vote de la loi. La suppression du forfait social sur l’épargne salariale pour les entreprises de moins de 50 salariés est entrée en vigueur dès le 1er janvier 2019. Et « la production de nouveaux contrats dans les réseaux est déjà en hausse de 35 % par rapport à 2018 », se félicite Christophe Eglizeau, directeur général de Natixis Interépargne. « Nous avons même battu, fin mars, le record historique de nouveaux contrats signés en une semaine ». En effet, il n’a pas échappé aux dirigeants de TPE et PME, les entreprises concernées par cette mesure, qu’il y avait de nombreux avantages à proposer à leurs équipes un dispositif d’épargne salariale : outre les avantages fiscaux et sociaux qu’ils procurent, l’intéressement ou la participation sont de puissants outils de motivation et de fidélisation des salariés dans l’entreprise. Sans compter que, dans une période d’inquiétudes autour du pouvoir d’achat, cela permet aux salariés d’améliorer leur situation patrimoniale globale et de « rattraper » le sentiment de certains d’entre eux d’être moins bien lotis que les salariés des grandes entreprises. Qui, pour 90 % d’entre elles, proposent des dispositifs de participation ou d’intéressement à leurs salariés.

 

Les produits d’épargne retraite harmonisés

Du côté de l’épargne retraite, la philosophie de la loi tient en un mot, ou plutôt deux : simplifier et harmoniser – notamment sur le plan fiscal ─ les divers produits existants sur le marché : PERCO, PERP, MADELIN ou article 83. Et surtout, il sera désormais possible de transférer des fonds d’un produit à l’autre. Une mesure particulièrement destinée aux personnes, de plus en plus nombreuses, qui changent de statut (salarié ou indépendant) au cours de leur vie professionnelle. Enfin, les mesures, assez techniques, destinées à débrider l’actionnariat salarié visent un objectif ambitieux : que 10 % du capital des entreprises françaises soit détenu par leurs salariés contre 3 % aujourd’hui. « Nous anticipons que les opérations de distribution d’actions ne seront plus seulement le fait des sociétés cotées, mais concerneront aussi de plus en plus des ETI (entreprises de taille intermédiaire) », précise Christophe Eglizeau.

 

Un impact à moyen terme

À quel scénario s’attendre ? Comment les épargnants vont-ils s’emparer de ces nouveaux dispositifs ? « La loi Pacte aura bien un impact sur les flux d’épargne, mais nous sommes à peu près convaincus que les choses se feront progressivement », note Christophe Eglizeau. « D’autant que la manière dont les flux s’opèrent est fortement liée aux anticipations des particuliers et à leur confiance en l’avenir… ». Car, qu’il s’agisse de l’épargne salariale, de l’épargne retraite ou de l’actionnariat, ces placements contiennent tous, peu ou prou, une part de risque, liée à leur sous-jacent (pour les produits de placement) ou à l’évolution des marchés et la situation de l’entreprise pour les actions. Et le risque, on le sait, n’est pas le meilleur ami de l’épargnant français… Pour qu’il le devienne, il faudra sans doute bien plus qu’une loi.

 

Un enjeu de taille pour les acteurs de l’épargne salariale

Pour les gestionnaires d’épargne, la loi offre des opportunités de développement mais exacerbe la concurrence.

Les nouveautés apportées par la loi Pacte au paysage de l’épargne en France sont autant d’opportunités pour les acteurs majeurs du secteur tels que Natixis Interépargne. Aujourd’hui dans les PME de moins de 50 salariés, seuls 11 % des salariés bénéficient d’un accord d’intéressement : l’objectif affiché est d’atteindre 30 % de salariés*. Cet élargissement du marché cible s’accompagne d’une exacerbation de la concurrence sur ce marché d’équipement, où les prix sont très tendus. La transférabilité de l’épargne retraite d’un produit à l’autre va elle aussi impacter les offres des acteurs bancaires et gommer les niches produits : « Nous réfléchissons à la manière dont nous allons gérer notre gamme de produits retraite », reconnaît ainsi Christophe Eglizeau.

Au-delà de la réorganisation de l’offre, l’enjeu se situe largement autour du service et du conseil aux clients, qu’ils soient clients entreprises ou clients finaux, c’est-à-dire les épargnants. Car malgré les simplifications introduites par la loi Pacte, ces catégories de produits d’épargne restent touffues et complexes et nécessitent un accompagnement des épargnants. « Nos clients entreprises, poursuit Christophe Eglizeau, sont très attentifs à la relation que nous avons avec leurs salariés. Ils attendent qu’on leur propose des parcours fluides et simples – dans lesquels il va falloir maintenant introduire la possibilité de faire des arbitrages entre les produits ». Des parcours qui doivent s’accompagner de pédagogie, pour orienter des particuliers « un peu perdus » dans les choix d’investissements qui leur sont offerts.

 

* objectif affiché par Bruno Le Maire, ministre de l’Economie et des finances, lors de la présentation de la loi

 


Les principales mesures

*Promouvoir la diffusion de l’épargne salariale

Depuis le 1er janvier 2019(1), le forfait social est supprimé pour les sommes versées au titre de l’intéressement, de la participation et de l’abondement pour les entreprises de moins de 50 salariés et uniquement sur l’intéressement pour les entreprises de 50 à 249 salariés. La loi Pacte renforce le partage de la valeur avec le relèvement du plafond individuel de répartition de l’intéressement à 75 % du PASS(2) au lieu de 50 % actuellement.

*Favoriser l’essor de l’épargne retraite

En créant le Plan d’épargne retraite (PER), la loi simplifie et harmonise le fonctionnement des différents produits d’épargne retraite (PERCO, PERP, Madelin). Les épargnants pourront transférer leur épargne retraite d’un produit à l’autre au cours de leur parcours professionnel. Le transfert sera gratuit si le produit a été détenu pendant 5 ans.

La possibilité de déduire de l’assiette de l’impôt sur le revenu les versements volontaires des épargnants sera généralisée à l’ensemble des produits de retraite. Cette déduction se fera dans la limite des plafonds qui restent à définir par décrets (généralement 10 % des revenus professionnels).

La possibilité de sortir en rente ou en capital au terme des contrats d’épargne-retraite est élargie.

 

*Développer l’actionnariat salarié à travers le PEE

Le forfait social est abaissé à 10 % (au lieu de 20 %) lorsque l’entreprise abonde dans le PEE la contribution versée par le bénéficiaire pour l’acquisition d’actions émises par l’entreprise.L’employeur pourra effectuer un versement unilatéral dans le PEE en titres de l’entreprise ; ce versement pouvant avoir lieu sans versement du salarié.

Le taux de décote est augmenté sur les titres souscrits dans le cadre d’une Offre Réservée aux Salariés dans le PEE. Cette décote passe de 20 à 30 % du prix de souscription (40 % lorsque la durée de blocage des titres est supérieure ou égale à 10 ans).

Les offres d’actionnariat salariés à travers le PEE sont également élargies dans les SAS(3).

 

(1) Loi de financement de la sécurité sociale entrée en vigueur le 1er janvier 2019
(2) PASS : plafond annuel de la Sécurité Sociale égal à 40 524 € en 2019
(3) Société par actions simplifiée