#Business #Transition Verte
Publié le 16/09/21
Lecture 10 Min.
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#Business #Transition Verte

Le solaire représente une part encore minime – environ 2 % ─ de la production française d’électricité, même s’il connaît une forte progression depuis dix ans. Au niveau international, la France produit environ 2 % de l’énergie solaire photovoltaïque mondiale, loin derrière la Chine (32 %), les États-Unis (15 %), le Japon (11 %) ou encore l’Allemagne (8 %) (source : International Energy Agency, 2018). Et pourtant, l’Hexagone est l’un des pays les plus ensoleillés d’Europe et recèle donc un haut potentiel solaire pour produire cette énergie décarbonée. Comment expliquer ce faible engouement pour le solaire en France ?

Le démantèlement nucléaire, condition de l’émergence du renouvelable

Le choix du nucléaire dans les années 60 ─ qui représente encore plus de 70 % de la production française d’électricité – fournit une première explication. « Le nucléaire n’émet pas de CO2. La France produit donc déjà une électricité décarbonée, conforme à la trajectoire fixée par les Accords de Paris », explique Sybille Grandgeorge, Industry Banker Power & Renewables chez Natixis Corporate & Investment Banking.  Une électricité de surcroît produite en continu, alors que la production d’énergie d’origine photovoltaïque est variable.

 

Le prix de l’électricité nucléaire est en constante augmentation, à la faveur des énergies renouvelables, dont les prix baissent.

Sybille Grandgeorge, Industry Banker Power & Renewables chez Natixis Corporate & Investment Banking

 

Les prix de production de l’électricité nucléaire en France sont pour l’instant relativement compétitifs, mais n’incluent ni les coûts de développement, ni les coûts de démantèlement. Le coût des nouvelles centrales semble hors de contrôle avec, pour Flamanville, un chantier de 5 ans de 3,3 milliards d’euros à l’origine, réévalué à 16 ans et 19,1 milliards selon la Cour des comptes en raison notamment d’un renforcement des exigences de sécurité post-Fukushima. « Le prix de l’électricité nucléaire est en constante augmentation, à la faveur des énergies renouvelables, dont les prix baissent sous l’effet des progrès technologiques et des effets d’échelle », précise-t-elle.

 

Le solaire, une énergie variable

La variabilité de l’énergie solaire explique également son faible développement en France, à la faveur de l’hydraulique, plus flexible, qui représente 47 % du mix renouvelable français (source : Observ’ER).  S’il est possible de moduler, avec les barrages et les techniques de pompage-turbinage, la production d’électricité hydraulique, l’énergie solaire ─ et éolienne ─ est, par définition, tributaire des conditions météorologiques. Or, l’électricité peut difficilement se stocker. Lorsque la production est déficitaire, une autre source doit prendre le relais.

La prédominance du nucléaire permet actuellement d’assurer une régularité d’approvisionnement, ce qui explique le soutien d’Emmanuel Macron, président de la République française,  à la filière nucléaire, « un pilier de notre avenir énergétique et écologique » a-t-il dernièrement rappelé, car c’est « l’énergie non intermittente qui émet le moins de CO2 . »

Toutefois, la Loi Énergie Climat fixe l’objectif d’atteindre une part du nucléaire au sein du mix électrique de 50 % à l’horizon 2035, qui implique la fermeture de 14 réacteurs nucléaires totalisant 11,7 GW de capacité installée, dont les deux réacteurs de Fessenheim. Parallèlement, la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) vise le doublement – à 113 GW – des capacités renouvelables à horizon 2028 (par rapport à 2017). La mise en œuvre de dispositifs de soutien à l’efficience énergétique et à la sortie des énergies fossiles, en particulier via l’électrification de secteurs comme le chauffage et le transport (mobilité individuelle), devrait contribuer à la décarbonation de l’économie, avec, en ligne de mire, l’objectif de neutralité climatique à horizon 2050, tout en assurant l’indépendance énergétique de l’Hexagone.

 

Le stockage, solution à la variabilité de la production

Pour assurer la continuité de l’approvisionnement dans une configuration avec plus de 50 % de production renouvelable, plusieurs options se profilent. L’une est l’utilisation de centrales à gaz flexibles qui peuvent produire durant un faible nombre d’heures par an. Dans certains pays comme l’Allemagne, ces centrales bénéficient d’un régime de rémunération spécifique valorisant leur contribution à l’équilibre du système électrique. Toutefois, « ces capacités émettent du CO2, et les techniques de capture de carbone sont encore onéreuses et expérimentales, sans oublier la problématique de l’enfouissement du CO2 ainsi capturé », explique Ivan Pavlovic, spécialiste senior énergie & développement durable chez Natixis Corporate & Investment Banking. Ce recours au gaz constitue donc plutôt une étape intermédiaire dans la transition énergétique et des solutions décarbonées doivent être développées à plus long terme.

 

Les investisseurs privés sont prêts à accompagner le développement de la filière hydrogène vert, en complément du nécessaire soutien de l’État.

Ivan Pavlovic, spécialiste senior énergie & développement durable chez Natixis Corporate & Investment Banking

 

Les systèmes de stockage de l’électricité, basés sur la technologie lithium-ion, sont de plus en plus développés par les fournisseurs, à l’instar de Corsica Sole, n°1 en France (voir encadré). Le stockage devient d’ailleurs un sujet récurrent des appels d’offres lancés par le gouvernement français sous le contrôle de la Commission de Régulation de l’Énergie (CRE). Ces unités sont particulièrement performantes pour réguler les pics quotidiens : l’électricité produite en cours de journée lors des pics d’ensoleillement est stockée puis utilisée en fin de journée lors des pics de consommation. Néanmoins, leurs capacités sont restreintes : cette technologie n’est donc pas adaptée à la régulation inter-saisonnière.

L’hydrogène vert, c’est-à-dire produit par des électrolyseurs alimentés avec de l’énergie renouvelable, représente une piste à plus long terme, notamment pour le stockage inter-saisonnier. L’hydrogène est produit et stocké lorsque la production renouvelable est excédentaire pour être utilisé lors des pics de consommation hivernale. Les plans de relance liés à la crise sanitaire marquent la volonté de déployer la filière à grande échelle, pour permettre d’abaisser ses coûts de production et la rendre compétitive. « L’inclusion de volets hydrogène ambitieux traduit un changement d’échelle dans les dispositifs de soutien : 7 Md€ en France d’ici à 2030, contre 100 M€ annoncés dans le plan Hulot de 2018 », souligne Ivan Pavlovic, qui précise que « les investisseurs privés sont prêts à accompagner le développement de la filière hydrogène vert, en complément du nécessaire soutien de l’État. »

 

Des objectifs ambitieux, une réalité timorée

Peut-on donc espérer une accélération du solaire en France ? Le volet solaire de la PPE est ambitieux : les capacités photovoltaïques doivent doubler, de 10,6 GW actuellement à 20,1 GW en 2023, pour atteindre 44 GW en 2028. Malheureusement, dans les faits, la filière ne parvient pas au rythme de croissance nécessaire : 0,7 GW ont été raccordés en 2019, 0,7 GW également en 2020 (source : Observ’ER). Pour parvenir aux objectifs fixés, il faudrait que le secteur multiplie par plus de trois sa dynamique et qu’il raccorde 3,6 GW chaque année.

 

Les projets solaires en France se développent là où le conflit urbain et avec les terres agricoles est le moins prégnant, comme l’Occitanie et la Nouvelle Aquitaine.

Stéphane Pasquier, directeur général de BPCE Energéco

 

Le poids du foncier, de l’acceptabilité sociale et de la réglementation

Comment expliquer cette difficulté à faire décoller la filière solaire française ? Certes, la crise sanitaire, en ralentissant nettement les livraisons de panneaux photovoltaïques – en provenance, majoritairement, de Chine ─ a entrainé des retards dans le développement des projets. Mais la raison majeure est structurelle : le foncier.  « Pour développer un projet au sol, il faut d’abord trouver un terrain qui ne pose pas de conflit d’usage avec les terres agricoles, ne subisse pas de pression foncière, respecte l’acceptabilité sociale », avance Stéphane Pasquier, directeur général de BPCE Energéco. « Ce qui explique que les projets en France se développent là où le conflit urbain et avec les terres agricoles est le moins prégnant, comme l’Occitanie et la Nouvelle Aquitaine », observe-t-il.

Si l’on ajoute les procédures d’autorisation (permis de construire, étude d’impact environnemental, enquêtes publiques), assez longues, la France peine à développer autant de projets qu’elle le souhaiterait.

 

Guichet ouvert versus appels d’offres

Pour bien comprendre, faisons un petit rappel : en France, l’électricité renouvelable est achetée par les gestionnaires des réseaux de distribution (principalement EDF, via Enedis) à un prix réglementé (i.e. avec complément de rémunération). Deux régimes cohabitent : les projets inférieurs à 100kWc bénéficient du guichet ouvert à l’obligation d’achat, c’est-à-dire que les kWh produits sont achetés automatiquement par le réseau via un contrat garanti à prix fixe pour une durée de 20 ans. Les projets supérieurs à 100kWc sont soumis à une procédure d’appel d’offres pour bénéficier d’un soutien sous forme de tarif d’achat jusqu’à 500 kWc et de complément de rémunération au-delà.

Pour soutenir la filière, le ministère de la Transition écologique a annoncé l’élévation du seuil du guichet ouvert à 500kWc. Une mesure qui n’est pas encore entrée en vigueur. Ce qui est plutôt en ligne avec le souhait de la PPE de privilégier le développement de grandes centrales au sol, plus compétitives, sur les friches industrielles, les délaissés autoroutiers, les terrains militaires, et la solarisation des toitures.

 

La solarisation des toitures, un axe important de développement

La solarisation des toitures constitue en effet un axe important de développement. Ces installations ne subissent pas d’enjeu foncier et bénéficient d’une meilleure acceptabilité sociale. La France recèle un potentiel énorme à travers les bâtiments industriels dont les toitures sont encore peu équipées. En revanche, les projets, de plus petite taille, présentent de moindres économies d’échelle et nécessitent un savoir-faire différenciant. « Ces projets sont développés par des ETI régionales comme APEX Energies, Arkolia Energies, Corsica Sole ou Tenergie, spécialisées dans ce type de centrales sur toitures et qui savent gérer la granularité de ces projets », explique Amaury Schoenauer, directeur des opérations structurées à la Caisse d’Epargne CEPAC.

À plus petite échelle, l’agrivoltaïsme concilie protection des cultures et production d’énergie, tout en fournissant un revenu additionnel à l’agriculteur. Les ombrières inclinables, couvertes de panneaux photovoltaïques, protègent les cultures d’une trop forte irradiation et favorisent une agriculture plus économe en eau. Lorsque celles-ci ont besoin d’ensoleillement, elles s’inclinent à la verticale. « Les ombrières, la culture sous serres photovoltaïques, font déjà partie du paysage du sud de la France et des zones insulaires », confie Stéphane Pasquier. « Leur déploiement à plus grande échelle constitue une véritable évolution. »

 

Les industriels vont voir un intérêt à entrer dans des contrats à long terme pour fixer les prix de leur énergie.

Amaury Schoenauer, directeur des opérations structurées à la Caisse d’Epargne CEPAC

 

La parité réseau, le véritable changement de paradigme

In fine, l’avenir du solaire en France réside dans la baisse des coûts de production, qui affranchit les projets des subventions et contrat d’achats de l’État. « Les prix de l’électricité solaire atteignent progressivement la parité réseau, c’est-à-dire les prix de marché, sans complément de rémunération. C’est déjà le cas de certains sites dans le sud de la France, qui sont même parfois en-deçà des prix du marché. On assiste à un vrai changement de paradigme », affirme Amaury Schoenauer, qui souligne que cette parité réseau rend possible l’émergence de contrats d’achats entre fournisseurs et industriels, les Corporate Power Purchase Agreements (CPPA). « Avec l’électrification grandissante de l’économie, les besoins en électricité des Français vont augmenter. Si la production ne suit pas, les prix risquent d’augmenter. Les industriels vont donc voir un intérêt à entrer dans des contrats à long terme pour fixer les prix de leur énergie. »

La situation actuelle de l’ensemble de la filière renouvelable augure bien de ce changement. « Les prix de marché de l’électricité sont depuis plusieurs mois supérieurs au prix d’achat de l’électricité d’origine renouvelable. En conséquence, la formule de complément de rémunération est aujourd’hui bénéficiaire pour l’État. Ceci inaugure une mécanique de compensation des subventions importantes allouées par l’État pour favoriser la croissance du secteur », observe Stéphane Pasquier. Un cercle vertueux en quelque sorte.

 

 

Corsica Sole, n°1 français du stockage d’électricité solaire

Corsica Sole, 1er producteur d’énergie indépendant de Corse et acteur majeur du photovoltaïque en France, est aussi le 1er exploitant de stockage d’énergie stationnaire sur le sol français. Comment cette avance s’explique-t-elle ? Question à Amaury Schoenauer, directeur des opérations structurées à la Caisse d’Epargne CEPAC.

« Corsica Sole est implantée en Corse, aux Antilles et à la Réunion, des zones non interconnectées (ZNI), qui ne sont pas ─ ou de façon limitée dans le cas de la Corse ─ connectées au réseau d’électricité continental. Leurs caractéristiques climatiques et géographiques, les contraintes logistiques associées, ainsi que la petite taille des systèmes électriques associés y ont conduit à une prédominance des technologies thermiques. Ayant donc hérité de mix électriques très carbonés, ces territoires se fixent des objectifs de développement des énergies renouvelables conséquents afin de réduire leur dépendance aux combustibles fossiles. C’est dans ce contexte que Corsica Sole a fait le choix d’accorder un réel intérêt pour les technologies de stockage, indispensables dans les réseaux insulaires pour augmenter la capacité maximale d’énergie renouvelable dans le mix énergétique. Le Groupe BPCE accompagne depuis 10 ans Corsica Sole dans sa croissance, à travers notamment une relation de confiance avec la Caisse d’Epargne CEPAC et ses équipes de financement structuré. En avril 2021, nous avons franchi une nouvelle étape avec l’entrée au capital de Mirova, une société de gestion dédiée à l’investissement durable*. Une levée de fonds qui va « accélérer le changement d’échelle pour notre développement tout en respectant nos valeurs », déclarait Michael Coudyser, directeur général et fondateur de Corsica Sole, dans un communiqué. »

 

Lire le communiqué de presse

 

*Mirova est affiliée à Natixis Investment Managers (Groupe BPCE)

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