#Business #Emea #Etudes & Recherche #Transition Verte
Publié le 07/05/20
Lecture 13 Min.
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L’épidémie de Covid19 et les chutes de PIB d’une amplitude jamais vue depuis 1945 représentent un véritable défi pour les marchés immobiliers européens. Selon nos experts, le résidentiel sera le plus résilient, avec une baisse de 5 % maximum, suivi par les bureaux, de 10 à 20 %, et jusqu’à 30 % pour le commerce. Décryptage par Thibaut Cuilliere, responsable de la recherche énergie et actifs réels, Natixis, Stéphanie Dossmann, spécialiste immobilier, recherche CIB Natixis, et Sylwia Hubar, spécialiste immobilier, recherche économique de Natixis.

L'épidémie de Covid-19 représente un véritable défi pour les marchés immobiliers européens, après des gains continus en valeur du capital et une baisse des rendements prime pour presque tous ces marchés depuis 2013. En effet, l'expansion rapide du coronavirus dans le monde entier a obligé les gouvernements à prendre des mesures de confinement stricts, ce qui va entraîner des chutes de PIB en Europe cette année d'une amplitude jamais vue depuis 1945. De plus, avec un trafic aérien en baisse de 80 % et des frontières pratiquement fermées pour raisons sanitaires, la chute du tourisme aura des répercussions spécifiques sur l'immobilier commercial.

Sur le marché des bureaux, les entreprises ont été contraintes à passer à un modèle extensif de « travail à domicile ». Elles ont réussi à surmonter cette épreuve avec succès pour beaucoup d'entre elles. Nous pensons que cette crise sanitaire est de nature à accélérer le déploiement du travail à distance, et par là à comprimer le nombre de postes physiques et donc l'espace de bureau pour des entreprises en difficulté financière. À l'inverse, cette crise sanitaire va remettre en question la tendance à la densification des espaces de bureau observée. L'augmentation de la surface par personne dans les immeubles de bureaux compensera donc en partie l'impact négatif du développement du travail à distance.

Nous avons effectué ensuite un exercice économétrique afin d'estimer l'impact de la crise Covid-19 sur les évaluations immobilières, en nous concentrant sur les 4 principaux marchés d'Europe continentale, à savoir l'Allemagne, la France, l'Espagne et l'Italie, ainsi que sur 3 types d'immobilier (bureaux, commerces et résidences).

 

Les bureaux européens devraient subir des baisses de valeur significatives d'ici fin 2021

Pour le marché des bureaux, nous prévoyons une baisse de 30 à 35 % des nouveaux baux pour cette année, en ligne avec la tendance observée lors des précédents ralentissements économiques en 2002 et 2008-2009. En effet, les défauts d'entreprises vont augmenter considérablement en dépit des mesures de soutien financier annoncées par les gouvernements européens. Euler Hermes s'attend ainsi à une augmentation des faillites d'entreprise de 8 % en France pour 2020, tandis que la Coface prévoit une augmentation de 25 % et de 18 % en Europe occidentale. Par ailleurs, les entreprises vont se focaliser sur le rétablissement de leur activité et auront donc tendance à reporter leurs projets immobiliers. De plus, les flux d'investissements transfrontaliers vont diminuer, alors qu'ils ont soutenu les valorisations des bureaux européens ces dernières années.

En revanche, nous anticipons que le taux de vacance augmentera, mais plus modestement que lors des crises précédentes, en raison de la pénurie actuelle de nouveaux espaces de bureaux, alors que les livraisons pourraient être fortement retardées à l'avenir.

Dans l'ensemble, nous prévoyons que les bureaux européens subiront des baisses de valeur significatives d'ici fin 2021. Le bureau prime à Paris pourrait ainsi perdre 10 % de sa valeur, tandis que la baisse pourrait atteindre 20 % pour les grandes villes allemandes et italiennes. Nous pensons que les loyers diminueront également de 5 à 10 %, ceux de l'Espagne résistant mieux que la France, l'Allemagne et surtout l'Italie.

 

L'immobilier de commerces sera l'un des marchés immobiliers les plus touchés par la crise du coronavirus

L'immobilier de commerces sera l'un des marchés immobiliers les plus touchés par la crise du coronavirus. Tout d'abord, le confinement de la population et la fermeture de la plupart des magasins en Europe ont évidemment eu un impact dramatique immédiat sur les chiffres d'affaires des magasins physiques. Mais, à ce stade, il est très difficile d'évaluer avec précision le nombre de commerçants qui se trouveront dans une situation financière tendue après la période de fermeture.

Ceci étant, on constate déjà des effets négatifs sur les propriétaires de ces magasins. En France, par exemple, les propriétaires facturent désormais les loyers mensuellement et à terme échu alors qu'auparavant, ils étaient payés avec un trimestre d'avance. En outre, le gouvernement français a encouragé les foncières à annuler 3 mois de loyers pour les très petites entreprises dont les magasins ont dû fermer.

Alors, bien qu'en théorie, le contrat de bail devrait protéger les propriétaires contre la perte de loyers, de nombreux commerçants locataires, même parmi les grandes enseignes internationales, ont déjà demandé l'annulation de certains loyers (2 à 3 mois) ou bien des loyers variables durant les premiers mois de réouverture des magasins.

Deuxièmement, en raison de l'effondrement des flux touristiques, mais sans envisager de "stop-and-go", c'est-à-dire de nouvelles phases de confinements dans les prochains mois, nous estimons que les grandes villes européennes verraient une baisse de 15 à 20 % des nuitées hôtelières en 2020. Nous prévoyons par ailleurs une baisse de la consommation privée en nous basant sur les estimations des économistes de Natixis. En conséquence, nous attendons une hausse importante des taux de rendements sur tous les marchés de l'immobilier de commerces à horizon 2021, en particulier pour les centres commerciaux. Selon nos modèles, la hausse du taux de rendement Prime du segment High Street pourrait s'étendre de +50pb en Espagne à +130pb en Italie, ce qui impliquerait une baisse des valeurs d'actifs allant jusqu'à -30 % pour l'Italie. En ce qui concerne les centres commerciaux, nous prévoyons une augmentation du taux de rendement comprise entre 90 pb en France et 180 pb en Espagne.

À plus long terme, comme pour les bureaux, nous pensons que certaines tendances s'accéléreront et que d'autres émergeront. L'avenir du commerce physique soulève de nouvelles questions, comme celle de savoir, par exemple, si la distanciation sociale deviendra la nouvelle norme dans les magasins. Et comment faire ses courses tout en respectant ces nouvelles règles ? Il est clair que les enseignes et leurs propriétaires devront s'adapter rapidement et renouveler leurs concepts, sinon le e-commerce fera certainement un nouveau grand bond en avant.

 

L'immobilier résidentiel sera le plus résilient

Le marché résidentiel sera également impacté négativement par les mesures de confinement provoquées par la pandémie et les contractions importantes du PIB. Pourtant, l'impact sur l'immobilier résidentiel sera moins sévère que dans d'autres segments immobiliers en raison de son rôle de bien de consommation refuge. Nous anticipons une baisse des prix des logements limitée à 5 % cette année. Il y a premièrement des questions pratiques comme l'arrêt temporaire des visites. Deuxièmement, le marché est affecté par un manque croissant de confiance en raison des craintes d'une longue récession économique, de l'insécurité des ménages concernant l'emploi et leurs revenus et de marchés financiers turbulents qui réduisent la valeur du patrimoine financier des ménages.

Plus positivement, les politiques monétaires et budgétaires resteront accommodantes en 2020, ce qui, combiné à des mesures macro-prudentielles assouplies, devrait aider les marchés résidentiels à retrouver de la vigueur lors du second semestre. Par ailleurs, l'immobilier résidentiel est susceptible de bénéficier d'une hausse des investissements de biens durables et de la pérennisation du télétravail.

 

Une baisse de 5 % pour le résidentiel, 10 à 20 % pour les bureaux et jusqu'à 30 % pour le commerce

Dans l'ensemble, nous nous attendons à ce que la confiance des acheteurs s'améliore parallèlement à un rebond de l'activité économique. Toutefois, il est important de noter que le niveau du PIB à la fin de 2021 sera toujours inférieur à celui de la fin de 2019.

Pour résumer, nous nous attendons à la hiérarchie suivante en termes d'impact sur les valorisations des trois segments immobiliers étudiés précédemment : le résidentiel sera le plus résilient, suivi par les bureaux et enfin le commerce. L'ordre de grandeur des baisses est de 5 % maximum pour le résidentiel, 10 à 20 % pour les bureaux et jusqu'à 30 % pour le commerce.

Sur le marché résidentiel, nous nous attendons à ce que l'Allemagne surperforme les autres marchés européens. En revanche, nous nous attendons à ce que le secteur des bureaux surperforme à Paris, tandis que les immeubles de bureaux dans les villes allemandes et italiennes sous-performeront. Dans le secteur du commerce, nous voyons l'Espagne surperformer, en particulier dans le sous-segment du High Street, et l'Italie sous-performer.