Depuis plusieurs années, la finance responsable prend une dimension de plus en plus importante aux yeux des acteurs économiques, institutionnels et entreprises… D’où l’importance de disposer d’une information extra financière toujours plus précise pour les émetteurs, en matière de développement durable, et le besoin de bien quantifier les bénéfices environnementaux ou sociaux liés à leur activité. Pour répondre à cet enjeu, les institutions financières sont amenées à concevoir des instruments financiers verts toujours plus pointus tels que les sustainability linked bonds, dont les principes ont été publiés par l’International Capital Market Association (ICMA) en juin dernier. Ces nouveaux outils sont une prolongation des instruments « verts » déjà présents (obligations vertes ou sociales) dans le marché des obligations.
Pourquoi un nouvel instrument ?
Lors d’une émission de « green bond », l’émetteur s’inscrit dans une logique de projet. Il s’engage sur l’usage de l’allocation des fonds, ainsi qu’à produire un rapport rendant compte aux investisseurs de son impact environnemental et social.
« Avec les sustainability linked bonds, les fonds sont dédiés au financement des besoins généraux de l’entreprise », explique Julien Duquenne, originateur au sein du Green & Sustainable Hub chez Natixis. L’émetteur s’engage sur des objectifs précis et chiffrés de développement durable à moyen et long terme, par exemple de décarbonisation à une échéance prédéfinie. Des indicateurs de performance intermédiaires (KPIs), mesurant sa trajectoire, sont intégrés dans la structure de financement.
La traçabilité des fonds dans le cadre d’un projet demeure le dénominateur commun à l’univers des greens loans (prêts verts) selon les Green Loan Principles du LMA1 et des green bonds. Or, beaucoup d’entreprises mènent des actions qui ont un impact positif environnemental ou sociétal : politique d’achats responsable, choix des fournisseurs selon des critères ESG, mais n’engagent que peu ou pas de projets d’investissement. De ce fait, elles ne peuvent se servir du marché des green bonds. Afin de ne pas pénaliser ces acteurs, la Loan Market Association avait déjà intégré cette notion de KPIs dans ses « Sustainability Linked Loans Principles » publiés il y a plus d’un an et demi. L’univers des sustainability linked loans ou prêts liés à des objectifs environnementaux et sociaux a donc influencé le marché des bonds avec la capacité à intégrer des indicateurs de développement durable.
Les sustainability linked bonds accompagneront-ils la transition des entreprises ?
« Dans le contexte d’urgence climatique, les sustainability linked bonds2 sont de très bons instruments pour accompagner la transition », ajoute Julien Duquenne. Ils permettent en effet d’apprécier les efforts entrepris par un émetteur pour effectuer sa transition. Ils sont notamment adaptés pour les secteurs qui ne sont pas naturellement verts et permettent ainsi de voir comment ces émetteurs s’inscrivent par exemple sur la trajectoire de 2° des Accords de Paris et quelles sont les actions entreprises ».
C’est donc un instrument tout à fait adapté pour les entreprises qui veulent faire de l’urgence climatique leur priorité. Pour cela, il est fondamental que les KPIs et leurs trajectoires soient ambitieux et auditables et que ces éléments soient mesurés en empruntant une méthodologie scientifique éprouvée afin de les intégrer dans la structure du « bond » avec par exemple une incidence sur le paiement du coupon à la hausse si les objectifs intermédiaires ne sont pas atteints.
« En s’assurant de la bonne sélection et de la bonne calibration des KPIs, ce nouvel instrument constituera un atout pour les entreprises qui renforceront ainsi leur image d’acteur responsable et répondra à la forte demande des investisseurs qui ont déjà manifesté leur appétence dans ce domaine. », conclut Julien Duquenne.
1] https://www.lma.eu.com/application/files/9115/4452/5458/741_LM_Green_Loan_Principles_Booklet_V8.pdf