Publié le 01/03/19
Publié le 01/03/19
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Nos experts vous livrent leurs analyses.

Prévisions 2019 : ralentissement conjoncturel ou récession ?

par Patrick Artus, Chef économiste de Natixis 

Nous n'attendons pas une récession aux États-Unis et dans la zone euro, en l'absence des mécanismes qui pourraient déclencher une récession. Mais interrogeons-nous cependant sur la nature des politiques économiques qui pourraient être mises en place aux États-Unis et dans la zone euro s'il y avait cependant une récession :

  • la baisse des taux d'intérêt des Banques Centrales serait très limitée aux États-Unis et inexistante dans la zone euro ; la baisse induite des taux d'intérêt à long terme serrait très faible dans les deux pays ;
  • les États devraient donc utiliser la politique budgétaire pour soutenir l'activité, malgré le niveau élevé des taux d'endettement publics ;
  • et pour éviter que la politique budgétaire expansionniste avec des taux d'endettement élevés conduise à la hausse des taux d'intérêt à long terme, les Banques Centrales devraient rouvrir le Quantitative Easing et monétiser les dettes publiques.

On voit le piège : l'impossibilité de baisser significativement les taux d'intérêt imposerait, en cas de récession, une nouvelle marche à la hausse pour les taux d'endettement public et la liquidité (la base monétaire).

Prévisions 2019 : doit-on être inquiets ?

par Jean-François Robin, responsable de la Recherche Global Markets  

Les facteurs de risque ne manquent pas. La guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis n'est pas finie, le Brexit rendra la situation de la Grande-Bretagne a minima moins favorable, l'Italie qui semble rentrer dans les rangs pourrait revenir sur le devant de la scène à l'occasion des élections à venir (européennes ou domestiques), le leverage des entreprises a fortement progressé, les banques centrales continuent de normaliser leurs bilans, la Chine ralentit, etc.

Néanmoins, en 2019 :

  • la croissance US, européenne, Chinoise ou japonaise devraient toutes être proches de leur potentiel ;
  • la faiblesse des hausses des coûts salariaux unitaires conduit aujourd'hui à ce que l'inflation sous-jacente n'augmente pas, ce qui entraine un maintien des taux d'intérêt faibles et une profitabilité élevée et en hausse des entreprises ;
  • les banques sont nettement plus résilientes
  • les conditions financières restent très favorables avec des taux qui ont cessé de monter aux États-Unis, qui vont rester très favorables au Japon ou en Europe (aucune hausse des taux avant la fin 2019).
  • on devrait assister un soutien de la demande par deux mécanismes : les politiques budgétaires plus expansionnistes (France, Italie, Chine en particulier mais aussi toujours aux États-Unis) et la baisse des prix du pétrole par rapport au niveau atteint au 1er semestre 2018.

La guerre commerciale au moins entre Chine et États-Unis semble se calmer. L'année 2019 s'annonce compliquée avec encore un peu moins de soutien des banques centrales et un cycle économique qui ralentit mais la récession ne menace pas non plus et le risque d'un overshooting des banques centrales est à exclure avec des conditions financières qui restent encore très favorables. Le risque politique est bien là mais il l'était tout autant en 2015, 2016, 2017 ou 2018 (Grèce, Trump, Brexit, France, Guerre commerciale, etc.).

Vive la France !

La croissance française devrait être une des rares en Europe à accélérer avec un chômage qui continue à baisser (sous les 9 %, sur les niveaux d'avant crise), une politique budgétaire post gilets jaunes plus expansionniste, une baisse du prix des matières premières qui va soutenir le pouvoir d'achat et l'industrie, une croissance plus inclusive que l'Allemagne, un euro sous-évalué et des taux qui restent bas. Nous prévoyons ainsi une croissance de 1,8 % soit 2 fois plus que l'Allemagne. Une fois n'est pas coutume et 2020 sera une autre histoire mais on en reparlera…dans un an.

Prévisions 2019 : amortir le ralentissement

par Alicia Garcia Herrero, Chef économiste pour l'Asie-Pacifique

Les économies asiatiques devraient poursuivre leur ralentissement en 2019 en raison d'une demande externe atone ainsi que de l'incertitude relative à la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis. Cela étant, l'approche relativement moins agressive de la part de la Fed devrait donner de la marge aux banques centrales asiatiques dans un contexte d'inflation faible.

Par ailleurs, l'attention portée par la Chine à la croissance ainsi qu'une politique plus volontariste en 2019 par rapport aux tentatives timides de relance de 2018 sont positives pour la région. Nous pensons que la Chine s'attachera à lever tous les obstacles, avec une attention particulière à la transmission du crédit au secteur privé, le plus en manque de liquidité et également le plus endetté. À notre avis, la Chine parviendra à piloter son ralentissement structurel, au moins temporairement, et à afficher une croissance de 6,3 % en 2019. Néanmoins, l'accumulation de dette supplémentaire contribuera à faire baisser davantage la croissance potentielle du pays du fait du maintien d'une mauvaise affectation de l'épargne.

Dans tous les cas, même avec un programme de relance massif, l'incertitude concernant la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine restera un risque important pour l'économie chinoise. Même en supposant que les États-Unis et la Chine parviennent à négocier un accord, celui-ci tiendrait plutôt d'une trêve que de la fin de la compétition stratégique.

En ce qui concerne le reste de l'Asie, un ralentissement moins violent en Chine grâce au programme de relance devrait faciliter un atterrissage en douceur pour les autres pays de la région actuellement en pleine décélération. Toutefois, à moyen terme, nous prévoyons un ralentissement de la croissance structurelle en Asie lié à la baisse du PIB potentiel chinois et au vieillissement de la population dans plusieurs pays de la zone.