Publié le 09/04/18
Publié le 09/04/18
Lecture Min.

Interview de Simon Eedle, Regional Head Middle East de Natixis

Comment envisagez-vous l'évolution du secteur financier au Moyen-Orient en 2018 ?

L'année 2017 a été intéressante. La baisse des prix du pétrole a conduit les États et les entités gouvernementales (GREs) à emprunter davantage, sans pour autant se traduire par l'année exceptionnelle qu'attendaient de nombreuses banques internationales.

Il y a deux raisons à cela. D'abord, les banques locales sont parvenues rapidement à diversifier leurs sources de financement, ce qui leur a permis de continuer à prêter de l'argent. Ensuite, les emprunts additionnels réalisés par les États ont été opérés sur le marché obligataire. Cette situation a eu pour conséquence d'aiguiser encore l'appétit des grandes banques internationales ; une tendance qui devrait se confirmer en 2018, au bénéfice évident des emprunteurs.

Cela étant dit, l'année s'annonce riche en opportunités. La vague de privatisations et l'ouverture continue des marchés locaux aux investisseurs étrangers créent de nouvelles opportunités pour les activités de conseil.

Côté financements, un vaste programme de développement des énergies renouvelables est en cours, les états devant concilier les besoins liés à la fois à la hausse de la demande d'énergie et au remplacement des centrales électriques vétustes et inefficientes. En tant que banque de premier plan en matière de financement des énergies renouvelables au Moyen-Orient, nous continuerons d'alimenter cette tendance.

Enfin, alors que les investisseurs régionaux chercheront à diversifier leurs placements à l'international, nous serons très bien placés pour leur fournir des solutions d'investissement et de couverture s'appuyant sur notre offre mondiale.

 

À quelles incertitudes majeures le secteur financier est-il confronté dans la région ?

L'incertitude fait partie du quotidien dans cette région, comme en atteste le séisme provoqué par la baisse des cours du pétrole en 2015 sur l'équilibre budgétaire des pays du Conseil de Coopération du Golfe (CCG).

Mais prenons un peu de recul : quatre pays du CCG sur six sont notés A ou plus. Leur qualité de crédit est donc largement supérieure à celle de la plupart des marchés émergents. En outre, le principal produit d'exportation est coté en dollars US, ce qui favorise la stabilité des devises locales.

La principale crainte concerne une nouvelle chute éventuelle des prix du pétrole, ce qui affaiblirait la situation économique du CCG et provoquerait la mise en œuvre de plans d'austérité plus stricts ou des déficits budgétaires difficiles à surmonter. Nos prévisions internes indiquent que le pétrole restera en 2018 au même niveau qu'en 2017, soutenu à la fois par la réduction de la production décidée par l'OPEP et par la hausse de la demande mondiale liée à la reprise de la croissance économique.

 

Depuis combien de temps Natixis développe-t-elle ses activités au Moyen-Orient ?

Natixis est présente au Moyen-Orient et à Dubaï depuis 1998 et a ouvert une succursale dans le Dubai International Financial Centre (DIFC) en novembre 2006.

Cette succursale joue le rôle de plateforme régionale de Natixis pour le Moyen-Orient. 90 % de nos revenus sont générés dans les pays du CCG, mais nous couvrons autant l'Égypte que les pays du Levant.

Nos activités dans la région étaient initialement articulées autour des financements structurés, l'un des domaines d'expertise historiques de Natixis, en particulier dans l'énergie et les matières premières, et sur le financement de projets.

Au cours de New Frontier, son dernier plan stratégique (2014-2017), Natixis a développé une approche totalement orientée vers ses clients reposant sur la compréhension fine de leurs besoins et la conception de solutions à forte valeur ajoutée. C'est dans cette optique que nous avons renforcé notre équipe de banquiers dédiés au Moyen-Orient. Outre l'activité existante de financements structurés, nous avons par la suite constitué des équipes spécialisées dans d'autres secteurs, notamment les solutions d'investissement, les marchés dettes primaires, le conseil ou encore le trade finance. Nous avons également développé une expertise en matière de finance islamique avec la création d'un conseil de la charia.

 

Qu'est-ce qui distingue Natixis de ses concurrents dans la région ?

Les acteurs locaux, régionaux et mondiaux se livrent une concurrence féroce au Moyen-Orient. Nous devons en permanence nous interroger sur l'intérêt pour nos clients de choisir Natixis plutôt que ses concurrents. Voici trois bonnes raisons :

  • D'abord, en conservant systématiquement dans nos livres une partie des encours de financements que nous octroyons, nous demeurons parfaitement alignés avec les intérêts de nos clients tout en leur ouvrant un accès à des classes d'actifs difficiles à atteindre autrement.
  • Ensuite, nos équipes développent une grande proximité avec les clients. L'organisation locale mise en place depuis cinq ans s'est révélée particulièrement efficace en matière de financements structurés, et nos clients apprécient de pouvoir compter sur nos spécialistes à Dubaï pour les accompagner sur des transactions complexes.
  • Enfin, une approche axée sur les solutions. Les activités transactionnelles ou de flux ne sont pas notre cœur de métier, et notre offre en la matière a pour seul but de soutenir les solutions que nous offrons à nos clients. C'est exactement le contraire d'une approche produits qui repose sur des flux et de gros volumes. Notre approche solutions s'est avérée particulièrement pertinente dans nos métiers de Global Markets et de trade finance, et ce parti pris nous distingue vraiment de nos concurrents.

 

Quels sont vos plans de développement pour les années à venir ?

Natixis a récemment annoncé son nouveau plan stratégique, « New Dimension », qui couvre la période 2018-2020, avec l'objectif de renforcer sa présence au Moyen-Orient. Nous visons la continuité : capitaliser sur les succès des cinq dernières années, au travers à la fois d'activités déjà établies dans la région et de nouvelles expertises. Prenons l'exemple des dérivés actions, métier dans lequel Natixis occupe désormais une position de premier plan à l'échelle mondiale. Nous avons décidé d'étendre notre franchise au Moyen-Orient avec la constitution d'une équipe à Dubaï, en capitalisant sur les mêmes leviers que ceux utilisés pour déployer localement notre expertise en solutions obligataires. Nous ferons de même sur nos métiers de Equity finance encore une fois en construisant notre présence locale sur le socle d'expertises mondiales de Natixis. Cependant, la création d'une équipe de banque d'investissement locale constituera la grande nouveauté. Notre approche sera particulièrement spécialisée et proposera des services de conseil dans les secteurs d'expertises clés de Natixis : l'énergie et les ressources naturelles, les infrastructures, l'aviation et l'immobilier. Concernant les investisseurs, nous souhaitons développer notre activité avec les États et les fonds souverains, lesquels sont désormais des clients importants tant pour le passif que l'actif de leur bilan ; même chose pour les family offices dont les actifs sous gestion sont, pour beaucoup d'entre eux, plus élevés que ceux des asset managers régionaux. D'un point de vue géographique, notre principal défi consistera à accroître notre part de marché en Arabie Saoudite.

 

Extrait d'un article initialement publié dans le numéro 201 de Banker Middle East.