La finance verte a-t-elle besoin de labels, au même titre que les fromages, la volaille ou les produits bio ?
Oui, répond sans hésiter Hervé Guez, directeur des investissements actions et taux chez Mirova. « Les enjeux de développement durable sont des enjeux d’intérêt général sur lesquels on ne peut pas laisser se développer de multiples approches. Si on veut vraiment faire décoller la finance verte, la labellisation est un passage obligé, car elle donne un gage de crédibilité. »
À l’heure où de plus en plus d’investisseurs, voire d’épargnants décident d’orienter une partie de leurs actifs vers le « vert », il est en effet impératif de faire œuvre de pédagogie et de « flécher » un minimum la route vers les placements vertueux pour la planète. Parmi les milliers de fonds existants, comment, pour un profane ou un investisseur pressé, déterminer exactement où va son argent, ce qu’il va financer ? Industries polluantes ou pas ? Énergies fossiles ou renouvelables ? Le label permet de donner des informations claires et explicites à l’investisseur. « Le grand public a un niveau d’exigence plus élevé qu’on ne le croit généralement », souligne Hervé Guez. « Un label, cela rassure tout le monde, y compris les investisseurs… » La confiance, en économie comme en finance, reste l’alpha et l’omega…
Greenfin, un label exigeant
Encore faut-il que le label lui-même réponde à un cahier des charges suffisamment précis et exigeant pour qu’il ne soit pas qu’un outil marketing vide de sens. En France, c’est déjà le cas avec Greenfin, le principal label en matière de finance verte, attribué par le ministère de la Transition écologique et solidaire. Le cahier des charges est piloté par les pouvoirs publics, en lien avec toutes les parties prenantes, et il est évolutif. L’attribution du label se fait via trois organismes indépendants : EY Finance, Novethic et Afnor Certification. Greenfin garantit la qualité verte des fonds d’investissement et s’adresse aux acteurs financiers qui agissent au service du bien commun grâce à des pratiques transparentes et durables. Le label a la particularité d’exclure purement et simplement les fonds investis dans certaines activités économiques telles que l’exploration-production et l’exploitation de combustibles fossiles. Une sorte de double sécurité pour les investisseurs qui sont certains de ne pas servir les activités les plus toxiques pour la planète. Applicable aux fonds actions, obligations vertes, infrastructures et capital investissement, le label Greenfin concerne déjà un large périmètre de produits financiers. Son niveau d’exigence en fait un outil extrêmement sélectif : seule une trentaine de fonds sont labellisés à ce jour et les produits structurés, pourtant appréciés des réseaux de distribution aux particuliers, restent en dehors du périmètre éligible, quelle que soit leur qualité environnementale.
« Il serait bienvenu que les produits structurés, qui se développent rapidement, soient également couverts par le label, à l’instar de ce que propose la norme de durabilité de Febelfin pour le marché belge. Cela permettrait à ce label de référence en France de renforcer son rôle de clarification auprès des épargnants particuliers », explique Orith Azoulay, responsable mondiale de la finance verte et durable de Natixis.
En Europe, un projet de taxonomie
Quid de l’échelle européenne ? À l’heure où les investissements n’ont pas de frontières, l’existence d’un label européen serait, là encore, un gage de confiance et un point de repère propre à convaincre les investisseurs. La Commission européenne travaille pour l’heure sur une taxonomie – une classification ─ des activités économiques durables, qui permettra aux investisseurs et aux entreprises d’identifier les secteurs qui procurent des bénéfices environnementaux. Un premier rapport a été publié au début de l’été qui fait actuellement l’objet d’intenses négociations. Comme le rappelle Orith Azoulay, cette taxonomie permettra notamment la déclinaison attendue de l’écolabel européen aux produits financiers, de telle sorte à harmoniser ces standards à l’échelle européenne.
La Commission européenne a déjà initié les travaux méthodologiques, mais ce label « made in Bruxelles » n’est pas pour tout de suite. Dommage, car comme le souligne encore Hervé Guez, « entrer dans un processus de labellisation est une belle façon de progresser ».
Évaluer l’impact des critères ESG sur les investissements en infrastructuresNatixis a lancé, avec EDHECinfra, une nouvelle chaire de recherche sur trois ans pour mesurer et indexer l’impact des critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) sur les investissements en infrastructures. L’équipe s’appuiera notamment sur l’intelligence artificielle pour créer un indice d’acceptabilité sociale des infrastructures ainsi qu’un indice de leur exposition aux risques physiques liés au changement climatique. |